Nous ferons une halte ravitaillement à Yungai : les halles du marché étaient assez suréalistes. Les produits de première nécessité proposés à même le sol cohabitant avec un écran plat sur lequel des jeunes jouaient à la play station ! Nous savions que la route menant aux lagunes était une piste, mais mazette nous avons été servis ! 60 kms de caillasses et de trous, Samuel frémissait pour les pneus, moi pour les renversements dans les virages (impossibles selon la théorie de Sam, je sais mais même, vue le balancement de Bernard, les ouvertures de frigo intempestives et le mode centrifugeuse qui était la notre à ce moment là, j’ai des doutes quand on me parle théorie). Samuel était tendu comme une arbalette, et la route a été éprouvante pour tout le monde. Heureusement les paysages offerts par la Cordillière blanche ravit tout le monde, ainsi que les traversées dans des petits villages où les locaux nous faisaient des signes, des sourires. Je persiste et je signe : nous n’avons trouvé de si bons accueils que dans les terres reculées, les villes ne nous ont montré pour l’instant que des péruviens aux visages fermés, ayant hâte de nous délester de soles, alors qu’ici, au milieu de rien : on échange quelques paroles, des sourires, les questions fusent. Nous n’avons pas pris de photos, encore et toujours je me sens gênée de les prendre en photo et je sais qu’ils n’apprécient pas : les femmes portent des jupes à volants arrivant aux genoux, de toutes les couleurs avec des broderies superbes. Des bas noirs ou des pantalons réchauffent un peu les jambes à ces altitudes. Les chemisiers sont aussi colorés, sans compter un petit gilet rose vif, vert pomme ou bleu turquoise. Et que dire de leurs chapeaux ! Un chapeau bombé, très étroit qui semble tenir sur leur tête comme par magie, avec une décoration en forme de feuille de palmier sur le côté. Je suis subjuguée par leur classe et leur maintien. Elles portent tout le temps sur leur dos un ballot qui contient soit un enfant, des branchages, du fourrage ou des tonnes d’autres choses. On remarque bien que les personnes agées finissent leur vie courbée, pliée en deux, ce n’est pas étonnant…
Nous sommes enfin arrivés à l’entrée du parc national de Huascaran, où les gardes nous demandaient 60 soles par personne pour y dormir !!! Nous avons eu beau parlementer, pas moyen ils nous ont proposé de dormir devant l’entrée et de ne payer que les 5 sols le lendemain matin pour entrer dans le parc, ça fait rager ! Oui mais on l’a dit, on lâche pas l’affaire : de plus on savait que d’autres voyageurs avaient pu y dormir. Le lendemain, nous sommes revenus à la charge et les gardes nous avoueront que c’était des faveurs et que comme nous communiquons entre voyageurs cela devient trop fréquent. MAIS ils nous proposeront de payer deux entrées et de passer une nuit dans le parc, cela nous convient tout à fait !
Durant ces deux jours nous nous promenerons autour des lagunes ORCOCONCHA et CHINANCOCHA L’une est bleu émeraude et nous rappelera les lacs du Canada. Bétina, Nils et Sam feront une balade en barque d’ailleurs. Les arbres noueux se trouvant sur les berges, ont des écorces “pelées » ressemblant à du papier translucide, c’était féérique. Ce lieu a charmé toute la famille, nous serions bien restés plus longtemps. Les vaches, veaux et taureaux seront nos voisins de bivouac : ils impressionneront beaucoup les lutins qui hésiteront pas mal au départ, à sortir de Bernard. Mais l’attrait des rivières qui serpentent, les barrages et autres jeux auront raison de leur réserve. Le lendemain matin, nous serons réveillés par un toquage sur Bernard : crotte j’ai pas envie de répondre ! On insiste…. pffff ça doit être un gardien pas au courant que nous pouvons rester ici. Je m’approche de la fenêtre, et oh surprise ! C’est Hiroshi ! Il aura réussi à nous rattraper lol. Il part faire une petite rando à la laguna 69 et reviendra prendre un café dans l’après-midi.
Il est déjà tard et lui doit rentrer à Yungai, quant à nous c’est de trouver le fameux lodge de Charlie pour y passer la nuit. Nous faisons le chemin en sens inverse pour retourner à l’entrée du parc (avec Hiroshi qui arrive à nous semer juste avec sa 125cm3….) quand notre chemin croise un 4X4. Rien de transcendant en soit me direz-vous : oui MAIS ce 4×4 est immatriculé en France et plus précisément dans le département 69 !!! On se fait des grands signes, on s’arrête pour faire connaissance. C’est Seb et Maud, un jeune couple qui voyage depuis 2 ans par intermittence, et cerise sur le gâteau, ils ont comme nous tout vendu mais étaient originaires de…. Tarare ! (environ 40kms de notre ancien village, on hallucine !) On s’échange vite fait des guides et nos mails, on papote un brin (ben oui bigre, Hiroshi nous attend à l’entrée) on reprend la route déçus de ne pas avoir pu plus placoter et au bout de quelques minutes, bannnnggggggg. Ca y est on a bousillé un truc : Sam descend et ne voit rien sous le chassis. On reprend la route avec un bruit de tous les diables quand on prend des bosses ou des trous, je me retrouve à 4 pattes dans l’allée de Bernard pour tenter de localiser le bruit. Grmpppphhhh c’est au niveau des lames… pas bon…
On rejoint tant bien que mal Hiroshi, la nuit va tomber dans une demi-heure. Impossible pour lui de repartir, il va nous accompagner au Lodge et on s’arrangera pour dormir. SAUF que Charlie et son lodge c’est un peu comme trouver une aiguille dans une botte de foins. Il n’y a AUCUN panneau, et après l’avoir dépassé, sur les indications de villageois, nous arriverons PRESQUE sur les lieux. Presque parce qu’à la nuit noire, dans un chemin de terre, sans balisage, c’est un peu la mort. Finalement, en bout de piste on aura un doute sur le chemin à emprunter : Sam et Hiroshi feront une reconnaissance à pieds pour se rendre compte que nous n’arriverons pas au Lodge. En haut d’une montée, il y a des ornières remplies d’eau… impossible pour Bernard de les franchir… crotte de crotte !!!! Nous ferons donc un bivouac en bord de piste et seront 6 à dormir dans Bernard : Hiroshi sera notre premier invité dans notre casa rodante ! La soirée sera sympathique et bonne enfant, quant à la nuit, d’un calme tout andin.
Le lendemain matin ce sera balade et il nous faudra reprendre la route pour Huaraz pour trouver un moyen de réparer Bernard et sa lame. Parce que pour l’instant, la lame cassée est restée coincée et ne touche ni les pneus ni le chassis, mais cela ne va pas durer des centaines de kms. Cela tombe “bien” (mouais bien n’est pas le terme adéquat mais nous avons décidé d’être foncièrement positifs face à l’adversité) bref cela tombe bien car Sam avait repéré à Huaraz un garage IVECO avec une vitesse de croisière de 35 kms/h, nous rejoindrons le fameux garage, et c’est parti pour une nouvelle aventure !
Les mécaniciens et les ingénieurs du garage seront TENACES. La lame sera démontée, envoyée à souder en présence de Sam, à la péruvienne c’est à dire sur un bout de trottoir : imaginez la tête du Père Sam. Ensuite il y aura une tentative de remontage. Je dis bien tentative car bien sûr, ça ne peut pas fonctionner chez les DESREV : la soudure a modifié un peu l’angle de la lame, ça ne rentre plus! Ce dernier “détail’” aura raison de mon optimisme et vaudra une “engueulade” entre Sam et moi, car pendant que Sam gérait la réparation (sans enfants je précise) moi j’avais lesdits enfants à gérer au choix :
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soit dans une salle d’attente pourvue de 4 fauteuils et 3 revues sur les machines outils (le premier qui me dit que ça occupe bien trois enfants de 4, 6 et 8 ans je le scalpe !)
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soit devant les bureaux donc en fait des escaliers en béton en plein soleil et une bande d’un mètre à l’ombre.
Que les choses soient claires : si j’entends “Optimiste un jour, optimiste toujours” ma réponse sera “et ta soeur !!!!!” Je l’avoue, au bout de 4 heures j’étais un peu border-line, et que dire des enfants. C’est le moment que j’ai (mal) choisi pour tenter de dire à mon cher et tendre (que j’aime de tout mon coeur blabla bla blabla) que j’en avais marre, non vraiment marre ! et que j’aimerais bien être autorisée à retourner dans Bernard (on nous avait interdit de rester à l’intérieur, sam devant porter aussi un casque, ça rigole pas la sécurité péruvienne !) Sa reponse d’un ton agacé “pfffff c’est bon te plains pas, moi je rame comme un âne mort !” a suffi à mettre le feu aux poudres. Devant si peu de diplomatie, j’ai eu envie de Biiiiiiiiiiiiiiiiip et de lui dire que Biiiiiiiiiiiiiiiiiip avec ses biiiiiiiiiiiiiiiiiiip et que j’allais le biiiiiiiiiiiiiip. (CENSURE)
On a respiré tous les deux bien fort, on s’est éloignés l’un de l’autre (et moi de tout objet contondant pour plus de sécurité….) et nous avons fait la paix en nous avouant que l’autre était autant à plaindre que l’un. C’est beau l’amourrrrrrrrrr. Bref, tout ça ne changeait rien au fait que cette %/§%L.ML?M§.%M.M de lame ne voulait pas rentrer. Il était 18h, l’équipe de l’atelier était partie, et les deux mécanos restés faisaient des heures sup sans résultats. Mais Sam n’a pas voulu abandonner (comme il est fort mon homme !) et en essayant, retestant, modifiant, proposant d’autres méthodes (en faisant gaffe que lesdits mécanos ne nous bousillent pas Bernard, car ils ne faisaient pas dans la dentelle les gars) à 21h : victoire !!!!!! la lame était refixée et Sam aussi noir qu”un charbonnier. Petite anecdote, nous avions un support moral en la personne de Hiroshi à qui nous avions donné rendez-vous à Huaraz le matin même, avant de savoir nos soucis, et qui aura vu débarquer Sam en taxi lui proposant : soit on ne se voit pas soit tu viens au garage avec moi. Il a choisi la deuxième solution, il est fou notre ami japonais !
Nous avons quitté le garage soulagés : d’avoir réparé d’une part, et d’autre part que cela ne nous ait pas coûté la peau d’un oeil. A 22h30 nous avons fait un tour en centre-ville pour trouver un bivouac… mission impossible il y avait de l’animation comme en plein jour. Nous avons donc donné une deuxième chance à l’hôtel Santa Cruz (je sens que certains nous pensent masochistes) madre de dios, ça serait un comble qu’il y ait une deuxième fête, un deuxième spectacle pyrotechnique, et un deuxième incendie ! On va vous décevoir, il n’y a rien eu de tout cela. Une nuit calme comme on en rêvait. Muchissima gracias Huaraz !!!
Forcément, la soudure ne pourra pas tenir éternellement : il nous faut donc rejoindre Lima pour remplacer cette lame. Que d’aventures mes amis, que d’aventures !